L’illustration de la littérature érotique dès la dernière partie du XIXe siècle jusqu'au premier partie du XXe siècle: L’expression du libertinage

de Audrey Suarez

Peut-être l’aspect de l’intersection de l’art et langage le plus évident c’est ce de l’illustration des livres. Ici, l’œuvre d’art dépeint ce que l’auteur a écrit – c’est une relation très directe. Un sous-genre de la littérature française dont l’illustration était (et est encore) très controversé est la littérature érotique (aussi appelé la littérature galante ou la littérature libertine). C’était pendant l’après-Révolution que ce genre a commencé à se populariser, et son age d’or était vers le tour du XXe siècle : l’age de l’art moderne.

L’Ancien Régime de la monarchie française était dominé par l’Eglise Catholique. Ainsi, le Régime était assez conservateur : il y avait de la censure littéraire et artistique pendant cette période. Or, c’était pendant l’Ancien Régime que les penseurs du Siècle des Lumières a commencé à questionner les traditions et les morales de l’époque. Chez les Lumières, le libertinage a gagné des nouveaux adhérents, malgré (ou peut-être à cause de) le conservatisme caractéristique de l’Ancien Régime. Avec la popularisation du libertinage, la littérature érotique a commencé à devenir de plus en plus courant, quoiqu’elle ait circulé clandestinement.

Après la Révolution, avec l’abolition de la monarchie et la diminution de l’influence et pouvoir de l’Eglise, le libertinage florissait. Le public était plus sexualisé, et le marché pour des livres de poches érotiques illustrés s’est développé. Les livres érotiques étaient encore clandestins, mais cet aspect augmentait l’excitation de les lire (ou, pour les illustrations, regarder) – les livres érotiques illustrés exemplifiaient la liberté sociale (et sexuelle) de l’après-Révolution en France.

Vers le tour du XXe siècle, dans l’époque de l’art moderne, était l’age d’or de l’illustration érotique. Les idéals des artistes modernes, comme la vérité, l’individualité, et la liberté, aboutissaient à une renaissance du libertinage, et donc de l’illustration des livres érotiques. Même aujourd’hui, les artistes continuent à illustrer les livres érotiques, quoique la France ait beaucoup changée dès la Révolution.

Il existe un tas de livres qui étaient les préférés des illustrateurs érotiques. Ces livres sont illustrés fois par fois, ils sont des « classiques » de la littérature érotique. La liste des « classiques » inclus : « Gamiani » pas Alfred de Musset (1833), « Les chansons de bilitis » par Pierre Louÿs (1894), « Les mémoires de Fanny Hill » par John Cleland (1887), l’œuvre du Marquis de Sade, l’œuvre de Théophile Gautier, « L’art d’aimer » par Ovide, et « Ma vie secrète » (Anonyme, c. 1890s). Paul Avril (1843-1928) est un artiste du XIXe et XXe siècle qui a illustré « Fanny Hill ». Paul Avril est un pseudonyme ; son vrai nom est Edouard-Henri Avril. La majorité des illustrateurs érotiques ont utilisé des pseudonymes en illustrant la littérature érotique, car cette profession n’était pas respectable, et parfois c’était encore clandestine comme autrefois.

Martin van Maele (1863-1926) est un illustrateur érotique très connu. « Van Maele » est un pseudonyme ; il s’appelait Maurice François Alfred Martin. Le nom « Alfred » a inspiré son autre pseudonyme, A. Van Troizem. Il a illustré des livres contemporains et classiques. Ses illustrations de « L’histoire comique de Francion » par Charles Sorel (1623) servent à renforcer et l’intention de l’auteur : « d’exposer les artifices subtils et les ruses pratiqués par des hommes et des femmes de tous ages et de toutes classes sociales. » Ainsi, les illustrations peuvent accentuer les mots de l’auteur, exciter le lecteur, et démontrer les « artifices et ruses » – les techniques sexuelles. Au-dessous, on a un exemple d’une ruse : une femme saoule un homme pour le séduire. L’illustration ici peut au même temps titiller et faire rire ; c’est une situation très comique, mais aussi ouvertement sexuelle.

Les illustrations les plus célèbres de van Maele sont ceux de « La grande danse macabre des vifs » (1905). L’auteur/ éditeur de livre, Charles Carrington tellement aimait l’œuvre de van Maele qu’il a commissionné van Maele pour illustrer toutes ses publications érotiques. L’image ci-dessous exemplifie un des préceptes des artistes modernes : « Il faut être de son temps ». La parodie des publicités des pneus Michelins est très moderne.

Paul-Emile Bécat (1885-1960) est un illustrateur prolifique qui a gagné le Prix de Rome et le médaille d’argent au Salon des Artistes Français. Il a illustré beaucoup des classiques – les œuvres des anciens et les classiques érotiques, les deux. Au-dessous est un exemplaire de son œuvre très controversé : c’est une illustration du roman érotique du libertin du Siècle des Lumières Denis Diderot « La religieuse » (1760). L’image provocante dépeint deux religieuses (des nonnes) font l’amour. Le genre homo-érotique était très populaire dans la littérature érotique, et ici Bécat illustre la critique de Diderot à propos de l’Eglise hypocrite de l’Ancien Régime. On voit ici le pouvoir de l’illustration de faire des commentaires avec une puissance que les mots n’ont pas. Voir l’image des deux religieuses est plus choquant que seulement la lire.

Luc Lafnet (1899-1939) est un artiste Belge qui a travaillé a Paris. En illustrant la littérature érotique, Lafnet a utilisé les pseudonymes Jim Black, Viset, et Lucas O. Ses illustrations de «Léonore et Clémentine ou les tartuffes de l'inquisition» par le Marquis de Sade (publié à titre posthume en 1930) exemplifient un genre de la littérature érotique très populaire : la punition corporelle.

Quoique la plupart des illustrateurs érotiques de l’époque aient été des hommes, il y avait aussi des illustratrices. L’artiste Mariette Lydis (1894-1970) a utilisé le pseudonyme Suzanne Ballivet pour ses illustrations de la littérature érotique. Ci-dessous il y a une illustration de « Gamiani » (1833) attribué a Ballivet. La date d l’image est un peu plus tard que le reste de l’œuvre présenté ici, mais c’est encore une illustration très importante, et c’est pour son importance que je l’ai inclus. Que Ballivet, une femme, ait illustré cette image de la bestialité est très choquant considérant l’opinion générale à l’époque à propos des femmes, la sexualité, et les mœurs. C’est vraiment une illustratrice de la même genre des autres ci-dessus : des artistes modernes, libertins.

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