La poésie visuelle des XXe et XXIe siècles: la quête de l’identité personnelle

de Caroline Lindsey

Pendant les périodes modernes et contemporaines, on questionne beaucoup le rapport entre le langage et la réalité. Comme l’art est une représentation non-exacte du monde, les mots sont aussi seulement des symboles des choses réelles. Tout, même la conception du soi, a un air ambigu. Dans l’art, on examine la séparation de la réalité de ses représentations, mais on cherche aussi à réconcilier les deux. Nous allons étudier la quête de l’artiste de définir une identité personnelle à travers la poésie visuelle du siècle passé.

La poésie visuelle est un type d’art dans lequel l’organisation des mots et des symboles sur la toile ou la page est aussi important que le message linguistique pour communiquer les thèmes de l’œuvre. Ici, je parle de la poésie visuelle dans un grand sens. La poésie visuelle peut être l’art qui utilise les mots, l’art qui questionne la signification du langage où l’art qui fonctionne comme un langage. Dans un sens, tout l’art visuel est la poésie parce que les deux sont des expressions des certains thèmes à travers les mots et les images symboliques. Donc, même si les mots et l’art sont souvent en conflit dans l’art récent, ils deviennent aussi plus proches dans cet âge d’interdisciplinarité.

Aujourd’hui, il y a une abondance des mots et des images dans les médias populaires. On mercantilise l’art et la littérature et tout, produit en masse, est jetable. On voit souvent dans la poésie visuelle récente des reflets de ce nouvel aspect éphémère de l’art. Même à l’intérieur des œuvres visuels, on se demande si l’art est encore pertinent. L’art et le langage s’entrelacent au même temps qu’ils s’interrogent.

Guillaume Apollinaire, un poète et homme littéraire du début du vingtième siècle, combinait la poésie et l’art visuelle dans le calligramme. Apollinaire incarne les conflits de l’art moderne : David Berry écrit qu’il est, au même temps, traditionnel et avant-garde, « the last of the traditional lyric poets and the first of the modern literary iconoclasts » (Berry 1). Dans ses œuvres, les images d’Apollinaire ont plusieurs significations. Il souligne l’importance de ses images littéraires à travers les images visuelles qu’il forme avec ses mots. Par exemple, le miroir représente, pour Apollinaire, la quête de l’identité. On se regarde dans un miroir pour trouver une image de soi ; Apollinaire fait la même chose dans sa poésie.

Dans « Cœur Couronne et Miroir », Apollinaire utilise des symboles dans un sens double : ses mots forment l’image de leur sujet. Au centre du miroir, Apollinaire écrit son propre non. C’est son reflet en écriture. Berry dit que « it is only in the mirror of poetry that Apollinaire discovers his authentic existence » (113). Apollinaire découvre une vraie image de soi dans l’écriture, illustré d’une manière artistique.

Dans « Reconnais-toi », on trouve des thèmes semblables. Apollinaire essaie de capturer l’esprit d’une personne avec les mots. Puis, il organise les mots dans une forme qui représente la personne. Les mots pour les partis du corps – par exemple, « la bouche », -- se trouvent dans la place où les traits se trouvent sur la figure. Malgré ce littéralisme, c’est bien sur une représentation abstraite de la personne. La personne est formée par les mots – les mots sont l’essence de la personne.

Dans ses calligrammes, Apollinaire augmente la signification de sa poésie avec des images simples. S. I. Lockerbie dit que le calligramme est important pour «extending the range of poetic expression and increasing the number of uses of language in which we can find aesthetic satisfaction» (14). Dans « Du Coton dans les Oreilles », Apollinaire répète le désir d’être vivant et actif, exprès par ses mots, avec les lignes ondulants, les caractères gras et fontes changeantes. Avant qu’on lise le poème, les vers sur la page ont l’air d’être nouveaux et actifs. On prévoit le message du poème dans sa présentation. Pour Apollinaire, le langage et l’art sont liés et il faut combiner les deux pour illustrer l’esprit moderne.

René Magritte n’a pas la confiance d’Apollinaire en le pouvoir des mots d’exprimer des idées personnelles. Il critique le rapport entre le langage et la réalité et il suggère qu’il est difficile de représenter le monde avec des symboles. Dans son art, il examine des questions de l’identité personnelle. Il illustre des idées ambigües et surréalistes, ouvertes à l’interprétation du spectateur.

Dans La clef des songes, Magritte dit que le langage est arbitraire et insuffisant pour décrire le monde. Il croyait que « An object is not so wedded to its name that one cannot find another which suits it better » (Sylvester 168). Il questionne le rapport traditionnel entre le langage et l’image. Il crée un système beaucoup plus personnel et beaucoup moins influencé par la société. Magritte rejette les conventions linguistiques et il suggère que l’art et le langage, comme symboles, n’ont pas des rapports forts avec le monde.

Dans La trahison des images, Magritte exprime un fait vrai – un peintre d’une pipe n’est jamais une vraie pipe. Néanmoins, c’est révolutionnaire de dire, à l’intérieur de l’image, qu’une image d’une pipe n’est pas une pipe. Foucault note que ce tableau « ne déconcerte que par sa simplicité » (10). C’est une réalité évidente, mais troublante. Comment est-ce qu’on peut connaître le monde, si les mots et les images ne suffirent pas ? Foucault dit que le tableau « fait penser à un tableau noir dans une classe : peut-être, un coup de chiffon va-t-il effacer bientôt le dessin et le texte ; peut-être aussi n’effacera-t-il l’un ou l’autre pour corriger « l’erreur » (dessiner quelque chose qui ne sera vraiment pas une pipe, ou écrire une phrase affirmant que c’est bien une pipe) » (11). Magritte nous rend incertains du rapport ente le langage et la réalité.

Dans le miroir vivant, Magritte nous rappelle les miroirs d’Apollinaire. Le miroir ne reflète pas de savoir visuel. Par contraste, il reflète l’incertitude de l’artiste et du spectateur de l’identité personnelle. Ici, Magritte suggère que les images – comme les mots dans La clef des songes – n’ont pas du rapport avec la réalité. Magritte ne peinte pas des choses réelles – il peinte des formes abstraits et des mots sans rapport. Le miroir nous rend incertains et confondus.

Frédéric Bruly Bouabré est un artiste contemporain africain qui exprime sa culture orale avec un langage qu’il a crée pour son peuple, les Bétés du Côte d’Ivoire. Pour lui, le langage écrit est très personnel parce qu’il l’a créé soi-même.

L’alphabet Bété est un système visuel. En le créant, Frédéric Bruly Bouabré combine les rôles d’un anthropologue, d’un artiste, et d’un prophète qui parle pour son peuple. Amselle dit que
"C’est Frédéric Bruly Bouabré qui constitue la figure la plus marquante de ce que je nomme le primitivisme autodidacte. Frédéric Bruly Bouabré, comme bien d’autres prophètes africains, a combiné dans son entreprise innovation religieuse et invention d’un système d’écriture. Toute son œuvre est en effet axée sur la recherche de signes présents dans la nature, son art n’étant en quelque sorte que le produit d’une quête d’écriture qui serait enchâssée dans les minéraux ou les végétaux" (109-110).

Donc, Bruly Bouabré a une vue opposée à la vue de Magritte sur le rapport entre le langage et la réalité. Magritte pense que le langage ne signifie rien de particulier ; Bruly Bouabré utilise la nature comme la base de son système. Il rend accessible sa culture à travers les signes universaux. Tout le monde peut comprendre que l’éléphant de Bruly Bouabré est un éléphant.

Dans sa série « Connaissance du Monde », Bruly Bouabré continue à représenter le monde à travers des images primitives mais reconnaissables. Le titre de la série reflète la nature universelle de son art. Bruly Bouabré écrit des phrases autour de ses images. Ici, il écrit qu’ « un serpent qui se mord symbolise sorcelerie contre parent ». Ces phrases cryptiques ont un air mystique et ancien, une représentation simple d’un esprit tribu. Bruly Bouabré avait besoin d’un langage pour communiquer les idées d’un peuple ancien – il l’a crée, et il l’utilise dans son art.

Ben Vautier est un artiste français contemporain qui examine les nouveaux rôles du langage dans le monde postmoderne. Il est défenseur de l’ancien langage occitan, mais il adopte aussi un langage très moderne, le langage de mercantilisme et de l’internet. Son écriture est son marque. Son site internet est une exhibition artistique qui combine tout – les mots, les dessins, les manifestes politiques, et les commentaires des visiteurs. Ses mots font grand parti de son art global et populaire.

Dans Pas d’art sans vérité, Ben adopte le style de la rue – il fait des graffiti sur un mur. Il rend hommage à la rébellion des jeunes, mais c’est un œuvre ironique. Ben est artiste fameux. Tout son art, même les graffiti, est accepté et acheté. Ben rend capitaliste un style artistique qui est d’habitude un rejet du système.

Je tourne en rond est un exemple du style d’écriture célébré de Ben. C’est un message qui a plusieurs significations possibles, présenté comme un tableau. Les mots, et l’écriture, sont l’œuvre artistique.

Le site-web de Ben est un espace virtuel où beaucoup d’intérêts de Ben se croisent. Il rend accessible l’art dans un environnement capitaliste. Il vend ses œuvres sur l’internet, mais le site-web est un type de l’art libre, un espace de performance où tout le monde peut voir les idées de Ben.

Dans l’art contemporain, il y a une grande diversité des poésies visuelles. Parce que c’est un âge incertain, on cherche du savoir à travers divers formes d’éducation et d’art. Les artistes expriment leur quête de l’identité par la combinaison de muliples systèmes. L’écriture et l’art visuelle sont deux des formes d’expression les plus évocateurs et puissants. Dans l’ère contemporaine, on questionne la signification du langage, mais on continue à parler et à écrire pour comprendre le monde. Le langage et l’art sont des outils pour comprendre l’identité personnelle moderne et postmoderne.

Citations
Amselle, Jean-Loup. L’art de la friche : essai sur l’art africain contemporain. Paris : Flammarion, 2005.

Berry, David. The Creative Vision of Guillaume Apollinaire. Saratoga, California: Anma Libri & Co., 1982.

Foucault, Michel. Ceci n’est pas une pipe. Scholies : Fata Morgana, 1973.

Lockerbie, S. I. Introduction à Calligrammes de Guillaume Apollinaire. Berkeley : University of California Press, 1980.

Sylvester, David. Magritte. New York: The Menil Foundation, 1992.

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